jeudi 6 septembre 2007

MALI Carnet de bord
















Où l'on est jamais dans l'urgence.

Un robinet greffé à mon bras, de la morphine dans les veines, je laisse mon esprit partir à la dérive. La polyclinique Pasteur est d'excellente réputation, un medecin français m'a dit que je pouvais m'y faire opérer sans probleme. C'est sûr, il n'y a jamais de probleme au Mali. J'en ai pourtant un. Pas bien grave mais que j'ai laissé trainé. Nous n'avons pas le meme rapport a la douleur , nous toubab, comparé au malien. J'essayais donc de relativiser mon mal. A 5h du mat, 15h se sont cruellement egrenees depuis les premiers lancements, autant d'heurespassee dans la salle commune, la tète dans un seau, pour seuls témoins de mes maux le bélier domestique et le bouc asmathique, je craque. Je me décide à croire qu'il y a une urgence. Le centre medico social de l'ambassade de France me soutient le contraire "Il n'y a pas d'urgence maintenant". Je n'ai plus a l'instar d'Anna, l'humour ni même la presence d'esprit d'en rire, je redoute la solution hopital Point G, son hygiene douteuse, la reactivité inexistante de son personnel et ses trop nombreuses aberrations dont Helene, stagiaire medecin interne et copine d'Anna, nous fait régulierement le récit.
La Polyclinique Pasteur accepte mon urgence, l'interne qui m'ausculte ne parvenant pas à établir un diagnostic, fait tout de même etat de ma douleur et mínjecte deux piqures de Morphine. Je plonge doucement dans une douce torpeur, soulagée de ne plus rien sentir et savourant le sommeil qui s'empare de mon esprit. Le verdict tombe dans la soirëe. Une petite infection du colon qui, une fois la crise passée ne me laisse pas clouée sur un lit. 1er instant de solitude depuis mon arrivée au Mali. Anna m'a pourtant apporté bouquins, carnets de croauis, journaux mais il n'y a pas de vie sonore autour de moi, exit le filet cacophonique des clips de la télé et du portable d'oussmane en simultané, exit le leïtmotiv favori des enfants du quartier " Anna, Sofi, Anna, Sofi Anna....", l'aboiement des chiens aux passages des vendeurs ambulants, les puissantes émanations de bouc, d'urine, d'arachide et de feu de bois qui emplissent la salle commune. C'est propre, c'est blanc, c'est vide et ça respire l'ennuie. Le lendemain soir, je mets un terme à mon sejour et débarque à Magnambougou en pleine repetition de la troupe Sogolon: les jumbees ont rameuté tout le quartier , spectateur ultra receptif au recit du conteur, Yaya, et aux danses éffrenés des danseurs. Je me glisse dans la foule, petite tache palote et toute aseptisée au milieu d'un patchwork explosive de couleurs, d'odeurs, de sons. IL ne me reste plus que trois semaines à vivre ici à Magnambougou, pour finir ce que j'qi entrepris. C'est finalement bien court pour dëcouvrir , voyager dans le pays et travailler, réaliser quelques chose. Demain nous calons la moto sur le toit du bus direction Mopti, randonnée en pays Dogon, moto cross en scoot sur les pistes du Mali.

Où la solitude devient fantasme.


Je m’émerveillais devant cet esprit solidaire de vie de quartier, son accueil et la simplicité avec laquelle Magambougou nous a fait une place parmi ses habitants. Je me suis appropriée certaines habitudes, j’ai prêté ma tête aux mains expertes d’une coiffeuse et très certainement ce soir mes pieds seront ornés de motifs géométriques au henné noir. (Technique et esthétique qu’Anna et moi avons jugé judicieuse pour masquer nos pieds blanc de toubabou noirs de crasse en fin de journée.)

Aujourd’hui, nous n’aspirons qu’à une malheureuse heure tranquille. Notre objectif est d’arriver à nous rendre au cyber sans escorte, sans chaperon qui attend patiemment 1h-2h le cul vissé sur une chaise sans rien faire. Tout nos plans, nos stratégies les plus fourbes sont déjouées. Si miraculeusement nous passons le barrage de la famille, de la rue 326, d’autres se chargeront de connaître notre destination et décideront pour nous de nous accompagner. Et si, ça n’est jamais arrivé, nous forçons la surveillance des uns et des autres, alors une expédition sera lancée à notre recherche !

Nous prenons notre mal en patience et nous efforçons avant de quitter les lieux d’indiquer notre destination, 15 personnes, petits et grands à nos côtés, nous sommes parées pour prendre d’assaut le cyber, Anna et moi à tapoter sur le clavier, les 15 à attendre que cela se passe.



Le green ou les confidences amoureuses.


Le green constitue le petit périmètre devant chaque maison où les habitants vont installer leur chaise en fil plastique dès la tombée du jour. A prononcer le « grain ».

Le soir venu, nous allons d’un green à l’autre. Devant chez Yaya, nous discutons avec lui de coutumes, des mœurs, de culture malienne et bien évidemment de son expérience marionnettique. Trois maisons plus loin, deux bonnes heures plus tard, nous intégrons le green de Saran et d’autres jeunes. Alors s’ensuivent de longues discussions sur les relations amoureuses (ici exclusivement ho/fe), sur le mariage, sur la polygamie, les études…


Ici pour régler, arranger histoires d’amour, de famille, litiges… Il faut passer par un intermédiaire de confiance. Pour arranger un mariage, c’est l’affaire du griot.


La polygamie est une pratique répandue. Certains y voient beaucoup d’avantages. Il n’est apparemment pas rare qu’une femme insiste auprès de son mari pour qu’il prenne une 2ème femme ne pouvant être au four et au moulin : les secondes épouses constituent une main d’œuvre appréciable. Il est formellement interdit d’avoir plus de quatre épouses mais dans la brousse, certains bravent l’interdit et prennent jusqu’à neuf femmes. La mère de Saran nous dira de Djenneba la voisine :

« Celle là même c’est la seconde épouse d’abord. Son mari, il vit en France avec la première et il vient tous les deux ans au Mali pour l’engrosser. TssTss, c’est pas même bon ça, ils font n’importe quoi certains. »

La polygamie ne fait pas l’unanimité mais ce n’est pas une histoire de génération. Le point de vue de Salimata sur la question nous sidère. Sali est la première fille de Yaya, 20 ans. Elle ne serait pas contre le fait que son futur mari prenne une 2nde épouse à condition qu’il ne regarde pas les autres femmes !Bobo le policier (une femme, une fille) voudrait bien me marier. Je lui fait remarquer qu’il ne pourra pas satisfaire deux épouses, il me répond : « m’basité, y pas le problème même »…


Après plusieurs heures de palabres, des violons qui ne peuvent s’accorder, nous prenons congé du grain. Devant la maison, nous croisons Sékou, un neveu de Yaya, allongé sur le capot de la peugeot 504 :

« Bonne nuit Sékou, on va se coucher, et toi tu fais quoi ?

- Moi je me repose avant d’aller dormir. »




Du petit dej' à la nuit tombée

« Tu veux de l’œil ? »
Hier, il y avait encore trois moutons ou plus exactement un bélier, un bouc et un mouton. Ce matin, il n’y en a plus que deux, la tête du troisième est dans notre gamelle. Toute la fierté dans son regard, Djénéba a soulevé le couvercle. Toute la surprise, toute la résignation dans notre regard, nous la remercions chaleureusement. « Inigwaaaaa !! » (Aïe aïe mama ! pas à 7h du mat !)

[Le bouc a remplacé le mouton sur la première marche de l’escalier et tous les soirs des lors, je prie en l’enjambant pour ne pas me prendre un coup de corne.]

Le café soluble avalé, la tête de mouton ou plus ordinairement le pain mayonnaise dans l’estomac, nous rejoignons Yaya dans la salle de répétition, c'est-à-dire un terrain de terre avec un abri en bambou et paille.
Depuis deux jours, après avoir restauré un castelet zoomorphe tête de vache, tressé des fils plastiques qui serviront à constituer le castelet dans lequel (s) le (s) marionnettiste (s) se dissimule (nt), nous attaquons nos marionnettes.
En accord avec Yaya, voici comment vont se dérouler les prochains mois :
Dans un premier temps, lui et sa troupe vont nous initier au théâtre Sogobo en travaillant sur leur prochaine création qu’ils présenteront au festival du sacré à Fez en novembre et sans doute même avant lors de leur tournée à Stuttgart en septembre.
Nous allons fabriquer les marionnettes, ensuite nous passerons à la manipulation qui va de paire avec la danse, mime…etc.
Une fois que nous serons familiarisées avec les différentes techniques, que nous aurons expérimenté le théâtre Sogobo, alors nous pourrons nous plonger dans nos propres créations.

Pour le moment, nous nous sommes attelées à la fabrication des marionnettes. Depuis deux jours, nous sculptons le bois à la binette. La technique à l’air simple et assez aisée à les voir travailler le bois mais la réalité est tout autre. L’outil est lourd, difficile à manier, bref, nous ajustons comme des pieds nos faibles coups et tailladons le bois un peu partout. A cette difficulté vient s’ajouter :
-les salutations des passants et autres curieux en moyenne toutes les 10 minutes (« oui je vais bien, oui la famille va bien, mon grand père ? en pleine forme, Bamako ? paradisiaque… »)
Les enfants de la famille, du quartier, toujours à tourner autour de nous, à nous appeler sans raison (« Sofi ! Anna ! Sofi ! Anna ! Sofi ! Anna !....)
SILEEEEEEEEEEEEEEENCE !

Notre concentration est mise à rude épreuve. Après 6h de travail, des ampoules et les avant bras endoloris, nous pigeons la technique non sans remarquer que ce serait tout de même tellement plus simple à la scie sauteuse.

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